Les origines chrétiennes d’une tradition.
Moulage d’un fer à hosties du XVIIIe
siècle - Pfennig à l’agneau, évêché de Strasbourg, XIIIe siècle - Clé de
voûte, abbaye de Cluny.
Au centre du repas de la fête de Pâque, qui célébrait la délivrance
d’Israël, on mangeait l’agneau pascal, dont le sang avait marqué les
portes des maisons pour les protéger de la dernière plaie d’Égypte.
Plus tard, les prophéties d’Isaïe et de Jérémie avaient annoncé la
venue d’un serviteur de Dieu, doux comme l’agneau, qui se laisserait
comme lui mener à l’abattoir, et par qui s’accomplirait le dessein du
Salut de Dieu. Enfin, Jean Baptiste avait désigné Jésus à ses disciples
comme «l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde».
Or,
la Passion de Jésus s’est précisément déroulée en ce temps de la Pâque
pour la célébration de laquelle les Juifs égorgeaient des milliers
d’agneaux. Lorsque la veille de sa mort, au cours du dernier repas avec
ses disciples, il leur
a donné une coupe de vin en leur disant : «Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés», ils ont compris qu’il se présentait comme «l’Agneau de Dieu».
C’est pourquoi, dans l’Apocalypse de saint Jean, le Christ ressuscité est
symbolisé par un agneau immolé, mais vivant, glorieux et victorieux.
Dans l’art héraldique, en terme de blason, l’Agneau est le symbole de la douceur, de la candeur, de l’innocence, de la bonté, de la franchise. Il est toujours, sur les écus, représenté de profil et souvent nimbé. Depuis le Moyen-Age, l’agneau pascal est représenté portant un étendard dans une de ses pattes antérieures : la bannière du Christ frappée d’une croix de gueules sur champ d’argent.
Strasbourg, dans la vitrine d’une pâtisserie pendant la Semaine Sainte. Osterlammele, ou Oschterlammele (Lamele ou Lammele, prononcé Lamala dans le Haut-Rhin, signifie « petit agneau »).
La tradition typiquement alsacienne et chrétienne du Lammele est attestée par le théologien catholique Thomas Murner dès 1519.
Chaque année à Pâques, apparaissent dans les devantures des boulangers-pâtissiers d’Alsace de paisibles troupeaux d’agneaux, qui, finement saupoudrés de sucre glace et décorés d’un petit étendard multicolore, donnent à ces magasins une note toute particulière de gaieté.
Ce sont, avec les Kougelhopf, les Maenella de la Saint-Nicolas et les Bredele de Noël, les derniers gâteaux traditionnels encore dégustés dans la région.
Le Lammele est cuit dans un moule en terre cuite vernissée, qui conserve
longtemps le délicat parfum du gâteau après sa cuisson. Ces moules sont toujours fabriqués par les potiers de
Soufflenheim.
Pour réaliser ces moules, les potiers utilisaient des formes en terre cuite crue, et plus tard en plâtre, sur lesquels ils pressaient une pellicule de terre glaise. La production des ces moules était très importante, et les potiers rivalisaient d’adresse pour en réaliser de très beaux modèles de toutes les tailles avec des toisons ondulées très stylisées ou en bouclettes régulières. Il existait aussi des moules en une seules partie, mais le démoulage étant trop délicat, on préféra les moules en deux parties.
Autrefois, les Lammele étaient souvent confectionnés à la maison, car ceux fabriqués par les boulangers étaient trop coûteux pour les foyers modestes. Dans toutes les cuisines, il y avait donc ces moules en terre cuite qui servaient une fois l’an, et à l’occasion de la cuisson du pain, les grands-mères et les mères alsaciennes faisaient elles-mêmes leurs agneaux de biscuit. Et il en fallait un certain nombre parce que les mamans et les papas étaient plusieurs fois marraine ou parrain et leurs nombreux filleuls viendraient aussi chercher leur Lammele le jour de Pâques. Ce biscuit, riche en œufs, permettait d’écouler le stock accumulé pendant le Carême et dont la consommation est proscrite.
La pâte utilisée était une pâte très fluide, et comme les moules en terre étaient en deux moitiés, il fallait les réunir avec une agrafe en fil de fer afin que la jointure soit la plus étanche possible.
On offre les Lammele aux enfants au retour de
la messe de Pâques. L’agneau décoré d'un étendard
aux couleurs de la papauté (jaune et blanc) ou de l’Alsace (rouge et
blanc) était dégusté par les grands accompagné d’un verre de vin d’Alsace, alors que les enfants le trempaient dans un grand bol de chocolat ou de chicorée.