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Une tradition alsacienne : l’«Osterlammele».
Une tradition alsacienne : l’«Osterlammele».
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10 novembre 2008

Une étude de 1959 sur les moules à Osterlammele.

Riff1

1. Moule à gâteau en forme d’agneau de Pâques, XIXe, émail brun, 240 mm.
Toutes les illustrations de cet article sont de Adolphe Riff.

Une des caractéristiques de la pâtisserie alsacienne est l’existence de nombreuses formes à gâteaux liées à une fête spécifique : Sacré-Cœur pour la Fête-Dieu, cœur pour les fiançailles ou les mariages, agneau ou lapin pour Pâques, poisson pour le Nouvel-An, fleur de lys pour l’Epiphanie, poupon emmailloté pour une naissance ou un baptême, écrevisse comme symbole de prospérité…

«Les moules qui servent à fabriquer les agneaux de Pâques, méritent d’être étudiés. La variété de leurs formes et leur stylisation en font un intéressant chapitre de la céramique régionale et de l’art populaire en général.

La grande popularité de la coutume de l’Osterlammele est attestée par la diversité et la taille de ces agneaux de Pâques, variant de 10 à 31 cm de longueur et de 6,5 à 19,5 cm de hauteur. Le prix-courant de J. Burgard à Soufflenheim, vers 1920 (atelier qui aujourd’hui n’existe plus) n’indique pas moins de treize dimensions de 9 à 25 cm de hauteur.

Ces moules ont été fabriqués en assez grande quantité, car chaque boulangerie ou pâtisserie en possède, selon son importance de dix à vingt en usage.

J’ai étudié une soixantaine de ces moules notamment dans le Haut-Rhin, à Altkirch, Mulhouse, Thann, Soultz, Kaysersberg, Colmar, dans le Bas-Rhin à Sélestat, Strasbourg, Obernai, Wasselonne et Saverne, ce qui m’a permis d’obtenir un aperçu assez complet de cette intéressante production dans toute une région. J’ai choisi à ce sujet des villes et des petites villes, dans lesquelles les potiers étaient autrefois établis, afin de pouvoir étudier les variantes au point de vue forme, ornementation et technique.

Depuis la fin du XIXe siècle, qui marqua la disparition des poteries locales, tous ces moules proviennent de Soufflenheim, dans le Bas-Rhin. Selon les ateliers de ce centre-potier, il y a de légères différences du modelé, du socle et du corps ; l’émail est typiquement brun-rouge, depuis quelques années parfois jaune clair. Mais autrefois les potiers d’autres localités fabriquaient également de ces moules, qui par leur forme et leur émail se distinguent de ceux de Soufflenheim. A la fin du XVIIIe siècle, les ateliers de Soufflenheim n’avaient pas encore pris une telle extension, et les règlements des corporations interdisaient aux potiers la vente de leur marchandise dans d’autres localités où se trouvaient une maîtrise de cet artisanat.

Nous avons donc par ces moules plus anciens de provenance certaine, la possibilité d’identifier des produits des autres centres potiers d’Alsace, aujourd'hui disparus. L’émail des pièces que nous avons ainsi étudiées est tantôt brun-foncé, jaune-brun, vert-clair ou gris-vert, donc différent de celui de Soufflenheim.

riff2 2. Moule à gâteau en
forme d’agneau de Pâques,
XIXe, émail vert, 230 mm.

J’ai trouvé les moules les plus anciens et les plus intéressants à Strasbourg, Saverne et Obernai ; ils sont caractérisés par les particularités suivantes : forme générale plus massive, plus archaïque, les deux supports arrière plus lourds et qui, le moule une fois fermé, se rejoignent en un bloc (Fig.2 & 3), alors que les supports des moules les plus récents restent selon leur dimensions, distants l’un de l’autre de 6 à 10 cm (Fig.1). La couleur de l’émail varie, elle est brun-foncé à Strasbourg, jaune-brun à Saverne, gris-vert à Obernai, variations qui indiquent probablement des époques différentes. D’autres moules, également plus anciens, à Strasbourg, Soultz et Thann présentent un émail vert-clair. L‘émail des moules plus récents est en général brun-rouge.

riff43. Moule à gâteau en
forme d’agneau de Pâques,
XIXe, émail vert, 230 mm.

Les moules de Diemeringen sont d’un type particulier : la tête est plus grosse, ne possède pas de supports, il n’y a que deux supports postérieurs, longs et droits. La forme est basse, le socle en biais, sans moulures, le pelage à longues côtes profondes, l’œil et le museau sont très accentués, l’émail brun-clair, différent de celui de Soufflenheim. Diemeringen ayant été un centre-potier d’une certaine importance (en 1860 il y avait huit ateliers, aujourd’hui il y en a encore deux, qui fabriquent des pots de fleurs et des jardinières et un atelier industriel), ces moules proviennent certainement de ces potiers. (…)

Pour la fabrication de ces moules, les potiers se servent d’une forme, montrant l’agneau en deux moitiés en relief (tel que le sera l’agneau en biscuit). Les potiers employaient autrefois des formes en terre cuite non émaillée, y appliquaient un flan rectangulaire en argile, façonnaient avec les mains les moules et les deux supports antérieurs en forme d’oreille aplatie, les séparaient ensuite en deux moitiés, et y fixaient après séchage deux supports postérieurs. L’émaillage de l’intérieur du moule et la cuisson au four se pratiquait à l’engobe, comme pour d’autres poteries. Les formes portaient parfois des initiales du potier et la date de fabrication. Actuellement ils emploient à Soufflenheim des formes en plâtre. Ces formes en relief plus anciennes en terre cuite sont devenues assez rares, je n’en ai trouvé que deux, l’une chez le potier Siegfried-Durmann, l’autre chez Philippe Lehmann à Soufflenheim.

L’agneau est représenté couché, la tête de profil, de sorte que les deux moitiés du moule sont pareilles. Je n’ai rencontré qu’une exception à cette règle, dans un moule plus ancien appartenant à la première moitié du XVIIIe siècle à Soultz (Haut-Rhin). L’agneau est représenté tête tournée vers le spectateur de sorte que les deux moitiés ne sont pas égales.

L’extérieur du moule montre la forme générale du corps, sans grand détails, il est lisse, non émaillé, et comporte quatre supports, destinés à supporter le moule, dont les deux moitiés sont maintenues par une pince en gros fil de fer. Les supports avant sont formés par un aplatissement des oreilles, ceux de derrière par deux appendices droits ou légèrement courbés d’environ 4 à 8 cm de longueur.

En plus de ces supports, le moule présente sur le bord à gauche, à droite et en haut, trois petits appendices semi-circulaires perforés, qui servent à réunir les deux moitiés, soit par un mince coin en bois, soit par un fil de fer. Les moules les plus anciens ne possèdent que deux de ces appendices. Le moule, une fois rempli de pâte est placé, renversé, à l’aide de ces supports, dans le four.

riff34. Moule à gâteau en forme
d’agneau de Pâques,
XIXe,
émail vert clair, 215 mm.

L’intérieur du moule nous montre la surface du corps qui est rarement tout à fait lisse. Des trois moules les plus anciens déjà cités, celui de Saverne (émail jaune-brun) offrait une stylisation toute particulière : des petits cercles concentriques juxtaposés, obtenus par l’application d’un poinçon circulaire ; malheureusement cette belle pièce, d’un certain caractère archaïque, étant endommagée, a été détruite par suite de l’incompréhension de son propriétaire peu de temps après que j’ai pu l’étudier. Le moule de Strasbourg (émail vert) montre un pelage tout différent, mouvementé, très artistique (Fig.2 & 3) ; celui d’Obernai un pelage par petites courbes. Un grand nombre de pièces présentent un pelage très stylisé, très simplifié, indiqué par de longues côtes (Fig.4), couvrant toute la surface du corps ; c’est le modèle le plus répandu. D’autres offrent un pelage plus naturel indiqué par petites touches.

Ces variantes sont dûes d’une part à la stylisation selon les différentes époques, d’autre part à l’habileté plus ou moins grande du potier à modeler la forme originale : nos illustrations montrent quelques exemples de cette stylisation de la surface du corps de l’agneau : longues côtes, tête de profil, socle en biais de Strasbourg (Fig.4), petites courbes vermiculées de Wasselonne (Fig.1), pelage au naturel, moule à support-bloc, de Strasbourg (Fig.2). Le socle des pièces plus anciennes est en biais, celui des moules plus récents mouluré. (…)

Les moules que nous venons d’étudier sont fragiles, employés seulement une fois dans l’année, ils sont remisés au grenier, se détériorent et se cassent, ce qui explique la rareté de pièces anciennes et la continuité de production à Soufflenheim. Depuis une vingtaine d’années on a essayé d’introduire des moules en fer blanc, qui ont certes l’avantage d’être plus solides, mais selon les dires des boulangers et des pâtissiers, les biscuits que l’on y cuit n’ont pas le même goût ni la même saveur. Ainsi leur préfère-t-on, comme pour le Kougelhopf, les vieux moules en terre émaillée, qui au milieu de notre monde moderne, continuent à représenter une vieille tradition artisanale.»

Adolphe RIFF, conservateur du Musée Alsacien.
«Les moules en terre émaillée en forme d’agneaux de Pâques en Alsace».
Revue des Arts et Traditions Populaires, VIIe année, n° 1-2, 1959

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Une tradition alsacienne : l’«Osterlammele».
  • Autrefois objets utilitaires, les moules en terre cuite vernissée de Soufflenheim sont aujourd’hui des trésors de collectionneurs et un témoignage du quotidien de nos ancêtres. © Claude Truong-Ngoc.
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